Curiosité culturelle, épisode 3 : “mon ami secret”. Ici rien à voir avec « mon ami imaginaire », le jeu qui consiste à parler à une chaise vide (qui peut très vite basculer dans sa variante « mon ami imaginaire alsacien » quand Manu regarde une video en alsacien sur youtube). Non ici, les règles sont beaucoup plus fermement établies et laissent moins la place à l’imagination exubérante des participants. Quant à la fibre régionaliste, elle est quasiment absente. C’est dire la tristesse de ce jeu. Mais commençons au commencement.
Il faut savoir qu’en Colombie la Saint Valentin n’existe pas. Non je vous arrête tout de suite. Je ne veux ni de « Argggh ! Mais comment font-ils ? Sont-ils opposés à l’amour chez ces ploucs? », ni de « Ah ! Enfin un pays qui ose s’élever contre la marchandisation des sentiments ! ». Non je n’accepterai aucune de ces remarques. D’abord parce que ce blog est un blog on ne peut plus sérieux et qu’il faut savoir laisser de côté ses sentiments / préjugés / prénotions et autres instincts basiques lorsque l’on s’attaque à l’étude d’un phénomène social comme je le fais actuellement. Mais surtout, je ne laisserai pas passer ce type de réflexions car en fait la Saint Valentin existe.
Oui la Saint Valentin existe. Seulement, carnaval de Baranquilla oblige, la Saint Valentin n’a pas lieu le 14 février mais bien le 3e samedi de septembre pour que tout le monde puisse profiter de ce formidable concept. Buiseness is buiseness que voulez-vous. Et puis les Colombiens n’aimant pas trop le nom de la Saint Valentin, ils ont préféré le remplacer par une très kitsch « journée de l’amour et de l’amitié ». Premièrement, c’est plus explicite : même les (rares) personnes peu penchées sur le calendrier des saints peuvent comprendre la signification. Mais le principal apport est que cela permet d’inclure tous les célibataires du pays, qui autrement auraient passé tout leur mois de septembre à se lamenter sur leur sort. En Colombie, plus de statut facebook : « seul(e) avec ma pizza et mon boulard (mon vibro canard) pour la Saint Valentin. VDM ». Non, en Colombie, tout le monde est un consommateur. Tout le monde naît et demeure égal devant la consommation. C’est beau non ?
Marc me demande si un ordinateur ça peut compter comme un ami. Oui Marc ça compte, mais uniquement si tu lui achètes une jolie webcam Microsoft© pour la journée de l’amour et de l’amitié. Et si c’est un peu plus qu’un ami, un dîner aux chandelles avec du Moët & Chandon© s’impose.
Mais quid du jeu ? J’y viens, j’y viens. Certains esprits bien intentionnés, remarquant qu’une seule journée de la consommation l’amour et l’amitié c’était pas mal mais c’était sans doute pas assez : après tout pourquoi ne pas s’aimer un mois, voire un an ? De ces cerveaux guidés par la foi en l’amour et l’amitié est alors sorti une idée brillante : faute de pouvoir le faire durer un an (ça pourrait lasser et puis il y a aussi Noël pour dépenser son argent inutilement fêter l’amour et l’amitié de son prochain), on pourrait le faire durer une semaine ou deux parce que l’amitié et l’amour c’est quand même sacrément chouette. C’est comme cela qu’est né le jeu de « mon ami secret ».
J’ai moi-même assez mal compris le principe, donc si mes explications ne sont pas claires n’essayez pas de relire c’est juste que je ne sais pas expliquer. Rien de grave en somme. Pour résumer ce que j’ai pu comprendre, un groupe de connaissance relativement réduit (20 maximum selon une source, mais cette dernière étant saoule au moment de l’énoncé des faits, la plus grande prudence est de mise dans l’analyse de ce témoignage, je vous rappelle que c’est un blog sérieux) se réunit un jour de septembre (le calendrier est assez vague) et se divise en deux groupes : un les hommes, deux les femmes. Marion me signale que c’est une division très sexiste et réductrice de la société. Tu as raison Marion mais une description scientifique des faits suppose une mise à distance des sentiments ; combien de fois devrais-je te le répéter ?
Une fois les équipes faites, les participants décident d’un thème. Imaginons un très classique « marque de bière ». Chacun reçoit alors du maître de cérémonie (qui est en dehors du jeu sinon c’est comme au Loup Garou c’est pas drôle) un petit surnom en rapport avec le thème (ici ce serait « Aguila », « Costena », « Club Colombia », « Poker » mais on peut très bien imaginer un thème « marque de bière alsacienne », ce qui me faisait dire en introduction que la fibre régionaliste n’est pas non plus totalement absente du jeu). Chacun écrit son nom sur un petit bout de papier, plié en 4 (en deux c’est risqué et en huit c’est trop) et le met dans un récipient quelconque, les femmes d’un côté, les hommes de l’autre. Ou l’inverse.
Troisième étape, chacun tire un petit bout de papier afin de découvrir son ami(e) secret(e). Non Marc, on ne peut pas être son propre ami. Disons pour l’exemple que je suis « Poker » et que j’ai tiré « Aguila » (attention, tirer le papier, pas la tirer elle). Je sais que mon ami secret est « Aguila » mais je ne sais pas qui est la personne qui se cache derrière. Mystère mystère. Quant à « Aguila » par exemple, elle peut très bien m’avoir tiré (attention pas moi, le papier) mais aussi avoir tiré une autre personne (attention…) Le secret est donc total.
Reste alors à mettre en place le « plateau de jeu » en lui-même, c’est-à-dire une sorte d’étagère où chaque participant a un petit casier avec son nom (fictif évidemment) marqué dessus. Pendant une semaine, le principe du jeu est d’offrir des petits cadeaux à son ami secret. Le plus couramment, les joueurs ont recours à des bonbons ou des chocolats mais on peut très bien imaginer un esprit malicieux qui déciderait d’offrir une lettre d’insulte à son ami. L’imagination n’a d’autre limite que la taille du casier. Bien que cela dépende des régions, il convient cependant de remarquer que les boules puantes sont généralement prohibées par le maître du jeu.
Tout le but du jeu est en fait de surprendre son ami secret poser un cadeau dans son casier afin de pouvoir l’identifier avant la fin du jeu et dormir ainsi l’esprit tranquille. Car si l’intérêt du jeu peut paraître limité, il faut bien voir que toute la semaine (ou les deux semaines) durant laquelle (lesquelles) se déroule le jeu, les discussions, mystères, commérages et autres tromperies vont bon train dans le cercle des amis, tout particulièrement dans celui des filles. Marion me fait remarquer que je suis en train de faire preuve de peu d’objectivité. Elle a entièrement raison et je retire donc ce que je viens de dire.
En effet, pour découvrir son ami secret, tous les moyens sont bons. À la manière du Cluedo, il s’agit de procéder par élimination pour aboutir à la vérité. Pour cela, le soudoiement d’un(e) ami(e) reste le plus efficace et le plus répandu mais l’idée initiale des concepteurs du jeu était d’espionner le casier afin de démasquer son ami secret. De cette manière, on excite le goût du risque des participants qui n’hésitent pas à acheter des cadeaux tous les jours pour donner du piment au jeu, et permettent ainsi de stimuler la croissance, faire preuve de leur générosité. L’usage de vidéo surveillance est strictement interdit, dans toutes les régions, sauf si vous en acheter une Philipps©, exceptionnellement pour l’occasion (la 8e est offerte, voir conditions en magasin).
Enfin, une (ou deux) semaine(s) plus tard, tout le monde se réunit de nouveau autour du maître du jeu. Dans un mélange de rire, de frustration, d’amour, de colère, de tristesse et d’amitié, les participants offrent alors un dernier cadeau à leur ami secret, mais cette fois-ci un plus gros parce qu’il faut quand même savoir être généreux. Alors que la tension est à son comble, les personnalités cachées de chacun sont alors enfin dévoilées au grand jour. Ceux qui auront déjà découvert leur ami secret auront eu l’avantage incommensurable de pouvoir choisir un cadeau en connaissance de cause. Les autres devront improviser un brave livre que personne ne lira ou autre tableau d’un goût douteux. Tant pis, ce sera sûrement mieux à Noël.
Quoi? C’est dans longtemps ? Pas faux. Alors pourquoi ne pas multiplier de type de jeu à d’autres occasions. Pour la Toussaint par exemple, comme ça on n’a pas à attendre jusqu’à Noël. Ça pourrait s’appeler : « mon ami le mort secret ». Chacun choisit un mort au hasard, sans savoir qui c’est, et doit consommer honorer sa mémoire en lui achetant le plus de cadeaux. Et à la fin de la semaine, celui qui a acheté le plus, obtient la grâce du Seigneur et le pardon de tous ses péchés. Ca c’est du concept !
Il faut savoir qu’en Colombie la Saint Valentin n’existe pas. Non je vous arrête tout de suite. Je ne veux ni de « Argggh ! Mais comment font-ils ? Sont-ils opposés à l’amour chez ces ploucs? », ni de « Ah ! Enfin un pays qui ose s’élever contre la marchandisation des sentiments ! ». Non je n’accepterai aucune de ces remarques. D’abord parce que ce blog est un blog on ne peut plus sérieux et qu’il faut savoir laisser de côté ses sentiments / préjugés / prénotions et autres instincts basiques lorsque l’on s’attaque à l’étude d’un phénomène social comme je le fais actuellement. Mais surtout, je ne laisserai pas passer ce type de réflexions car en fait la Saint Valentin existe.
Oui la Saint Valentin existe. Seulement, carnaval de Baranquilla oblige, la Saint Valentin n’a pas lieu le 14 février mais bien le 3e samedi de septembre pour que tout le monde puisse profiter de ce formidable concept. Buiseness is buiseness que voulez-vous. Et puis les Colombiens n’aimant pas trop le nom de la Saint Valentin, ils ont préféré le remplacer par une très kitsch « journée de l’amour et de l’amitié ». Premièrement, c’est plus explicite : même les (rares) personnes peu penchées sur le calendrier des saints peuvent comprendre la signification. Mais le principal apport est que cela permet d’inclure tous les célibataires du pays, qui autrement auraient passé tout leur mois de septembre à se lamenter sur leur sort. En Colombie, plus de statut facebook : « seul(e) avec ma pizza et mon boulard (mon vibro canard) pour la Saint Valentin. VDM ». Non, en Colombie, tout le monde est un consommateur. Tout le monde naît et demeure égal devant la consommation. C’est beau non ?
Marc me demande si un ordinateur ça peut compter comme un ami. Oui Marc ça compte, mais uniquement si tu lui achètes une jolie webcam Microsoft© pour la journée de l’amour et de l’amitié. Et si c’est un peu plus qu’un ami, un dîner aux chandelles avec du Moët & Chandon© s’impose.
Mais quid du jeu ? J’y viens, j’y viens. Certains esprits bien intentionnés, remarquant qu’une seule journée de la consommation l’amour et l’amitié c’était pas mal mais c’était sans doute pas assez : après tout pourquoi ne pas s’aimer un mois, voire un an ? De ces cerveaux guidés par la foi en l’amour et l’amitié est alors sorti une idée brillante : faute de pouvoir le faire durer un an (ça pourrait lasser et puis il y a aussi Noël pour dépenser son argent inutilement fêter l’amour et l’amitié de son prochain), on pourrait le faire durer une semaine ou deux parce que l’amitié et l’amour c’est quand même sacrément chouette. C’est comme cela qu’est né le jeu de « mon ami secret ».
J’ai moi-même assez mal compris le principe, donc si mes explications ne sont pas claires n’essayez pas de relire c’est juste que je ne sais pas expliquer. Rien de grave en somme. Pour résumer ce que j’ai pu comprendre, un groupe de connaissance relativement réduit (20 maximum selon une source, mais cette dernière étant saoule au moment de l’énoncé des faits, la plus grande prudence est de mise dans l’analyse de ce témoignage, je vous rappelle que c’est un blog sérieux) se réunit un jour de septembre (le calendrier est assez vague) et se divise en deux groupes : un les hommes, deux les femmes. Marion me signale que c’est une division très sexiste et réductrice de la société. Tu as raison Marion mais une description scientifique des faits suppose une mise à distance des sentiments ; combien de fois devrais-je te le répéter ?
Une fois les équipes faites, les participants décident d’un thème. Imaginons un très classique « marque de bière ». Chacun reçoit alors du maître de cérémonie (qui est en dehors du jeu sinon c’est comme au Loup Garou c’est pas drôle) un petit surnom en rapport avec le thème (ici ce serait « Aguila », « Costena », « Club Colombia », « Poker » mais on peut très bien imaginer un thème « marque de bière alsacienne », ce qui me faisait dire en introduction que la fibre régionaliste n’est pas non plus totalement absente du jeu). Chacun écrit son nom sur un petit bout de papier, plié en 4 (en deux c’est risqué et en huit c’est trop) et le met dans un récipient quelconque, les femmes d’un côté, les hommes de l’autre. Ou l’inverse.
Troisième étape, chacun tire un petit bout de papier afin de découvrir son ami(e) secret(e). Non Marc, on ne peut pas être son propre ami. Disons pour l’exemple que je suis « Poker » et que j’ai tiré « Aguila » (attention, tirer le papier, pas la tirer elle). Je sais que mon ami secret est « Aguila » mais je ne sais pas qui est la personne qui se cache derrière. Mystère mystère. Quant à « Aguila » par exemple, elle peut très bien m’avoir tiré (attention pas moi, le papier) mais aussi avoir tiré une autre personne (attention…) Le secret est donc total.
Reste alors à mettre en place le « plateau de jeu » en lui-même, c’est-à-dire une sorte d’étagère où chaque participant a un petit casier avec son nom (fictif évidemment) marqué dessus. Pendant une semaine, le principe du jeu est d’offrir des petits cadeaux à son ami secret. Le plus couramment, les joueurs ont recours à des bonbons ou des chocolats mais on peut très bien imaginer un esprit malicieux qui déciderait d’offrir une lettre d’insulte à son ami. L’imagination n’a d’autre limite que la taille du casier. Bien que cela dépende des régions, il convient cependant de remarquer que les boules puantes sont généralement prohibées par le maître du jeu.
Tout le but du jeu est en fait de surprendre son ami secret poser un cadeau dans son casier afin de pouvoir l’identifier avant la fin du jeu et dormir ainsi l’esprit tranquille. Car si l’intérêt du jeu peut paraître limité, il faut bien voir que toute la semaine (ou les deux semaines) durant laquelle (lesquelles) se déroule le jeu, les discussions, mystères, commérages et autres tromperies vont bon train dans le cercle des amis, tout particulièrement dans celui des filles. Marion me fait remarquer que je suis en train de faire preuve de peu d’objectivité. Elle a entièrement raison et je retire donc ce que je viens de dire.
En effet, pour découvrir son ami secret, tous les moyens sont bons. À la manière du Cluedo, il s’agit de procéder par élimination pour aboutir à la vérité. Pour cela, le soudoiement d’un(e) ami(e) reste le plus efficace et le plus répandu mais l’idée initiale des concepteurs du jeu était d’espionner le casier afin de démasquer son ami secret. De cette manière, on excite le goût du risque des participants qui n’hésitent pas à acheter des cadeaux tous les jours pour donner du piment au jeu, et permettent ainsi de stimuler la croissance, faire preuve de leur générosité. L’usage de vidéo surveillance est strictement interdit, dans toutes les régions, sauf si vous en acheter une Philipps©, exceptionnellement pour l’occasion (la 8e est offerte, voir conditions en magasin).
Enfin, une (ou deux) semaine(s) plus tard, tout le monde se réunit de nouveau autour du maître du jeu. Dans un mélange de rire, de frustration, d’amour, de colère, de tristesse et d’amitié, les participants offrent alors un dernier cadeau à leur ami secret, mais cette fois-ci un plus gros parce qu’il faut quand même savoir être généreux. Alors que la tension est à son comble, les personnalités cachées de chacun sont alors enfin dévoilées au grand jour. Ceux qui auront déjà découvert leur ami secret auront eu l’avantage incommensurable de pouvoir choisir un cadeau en connaissance de cause. Les autres devront improviser un brave livre que personne ne lira ou autre tableau d’un goût douteux. Tant pis, ce sera sûrement mieux à Noël.
Quoi? C’est dans longtemps ? Pas faux. Alors pourquoi ne pas multiplier de type de jeu à d’autres occasions. Pour la Toussaint par exemple, comme ça on n’a pas à attendre jusqu’à Noël. Ça pourrait s’appeler : « mon ami le mort secret ». Chacun choisit un mort au hasard, sans savoir qui c’est, et doit consommer honorer sa mémoire en lui achetant le plus de cadeaux. Et à la fin de la semaine, celui qui a acheté le plus, obtient la grâce du Seigneur et le pardon de tous ses péchés. Ca c’est du concept !
Alexis, parce que la consommation c'est pas cool
Ahh Alexis ... je suis bien désolée pour ton désenchantement qui va suivre mais ... ce "jeu" existe aussi en France, même s'il n'a rien à voir avec la saint valentin et que en France c'est le jeu de la cacahuète c'est une espèce courante dans le milieu des colonies de vacances ou des centres aérés... Désolé mais... ton mythe s'effondre !! ;-)
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