Question fatidique. Inévitable. Élémentaire mais fondamentale. Amusée mais si sérieuse. En somme LA question. La question dont tu es le héros, que de toute façon même si tu le veux et bah tu pourras pas y échapper. Bref, la première phrase que n’importe quel mâle colombien adresse à un étranger, un sourire au coin et l’œil pétillant, quand ce n’est pas bavant, la bouche entrouverte.
Deux solutions s’offre alors au malheureux « franchute ». La première, la plus facile : le politiquement correct. « Ouch, súper lindas, me dueña la cabeza cuando camino en la calle marica (rien à voir avec le sens premier du mot, à comprendre ici comme un brave « mec », ou « man » placé à la fin de chaque phrase, et même au milieu si tu veux) ». Gros avantage : le type devient automatiquement ton pote et t’offre un coup à boire en se marrant « ah sagrado tú ! (ici cela ne veut absolument rien dire, c’est juste une traduction littérale car mon espagnol est encore trop faible pour traduire ça). Inconvénients : d’abord, après t’avoir offert une bière, le mec en question va commencer à te débiter des trucs plus ou moins salaces sur le sexe opposé (d’ailleurs plutôt plus que moins), auxquels tu devras acquiescer par divers « Claro », « Obvio » ou autres rires bien placés. Mais plus grave encore, la technique du politiquement correct a ceci d’embêtant que tu es en fait en train de mentir éhontément à un pauvre Colombien, certain que ses poulettes sont vraiment pas mal. Et mentir c’est mal.
Reste alors la deuxième solution, toujours plus difficile : dire la vérité. « Pues, mira, yo nunca salí de Bogotá pero aquí marica, no son tan bonitas, o sea, tú sabes, hay que buscar en serio para encontrar una niña hermosa huevón (variante de « marica ») ». Aïe. Mauvaise réponse. Généralement, la tronche du type se déconfit progressivement, la bouche se ferme, l’œil pétillant se fait menaçant. La réaction serait – toute proportion gardée – similaire à la tête d’un Français qui, après avoir demandé à un Américain ce qu’il pensait du fromage français, se serait vu répondre « well, it stinks dude ! (variante américaine, de « marica » et « huevón », plus connu en raison de cet excellent film) ». Ce courroux légitime passé, le Colombien étant plus tolérant que le Français sur son patrimoine national, le type finira quand même par te payer un coup et te raconter des trucs salaces sur le sexe opposé, parce qu’il n’y a rien qui le fait plus marrer.
Le résultat étant le même finalement, autant dire la vérité pourrait-on penser. Oui mais voilà, un affront comme cela ne se lave pas si facilement. Et même si le mec te paie des coups, il t’en paiera sûrement moins qu’a ton copain qui a bien répondu... Et ouais : faut pas gonfler un Colombien, quand y vous parle de ses minettes. C’est la morale de mon article, moi je la trouve chouette. Pas vous ? Ah bon.
Alexis
PS : Je m’en vais une dizaine de jours jouir du soleil de la côte Caraïbe. Sans doute pas d’article ici mais en revanche une intéressante perspective de comparaison pour voir si ce phénomène est cantonné à Bogota ou si c’est malheureusement un syndrome national (Barranquilla étant la ville de Shakira, tous les espoirs sont permis)