Grand amoureux du ballon et petit frère modèle, j'avais décidé de faire découvrir la fiévreuse ambiance d'un stade argentin à ma soeur Selyn de passage à Buenos Aires. Premièrement il fallait trouver un stade. Boca jouant à l'extérieur, je décidai de l'emmener au stade Juan Domingo Peron où officie le Racing de Avellaneda. Bleu ciel et blanc comme le club de mon coeur, il fait aussi partie de 5 grandes du football argentin avec Boca, River, Independiente et San Lorenzo et affrontait ce soir là les Argentinos Juniors. Surtout sa banda brava (groupe de supporters) est parmi les plus chaudes d'Argentine. Pour ne pas subir la même désillusion qu'avec Alexis et Marc et ne pas obtenir les précieux sésames pour pénétrer dans les travées de ce vieux stade poussiéreux et tremblant, nous avions acheté les entrées dans l'après-midi. 1H30 avant le début de la partie, nous pénétrions dans l'enceinte encore peu garnie et nous prenions place en plein coeur du kop. Très vite, un supporter plus imbibé de Fernet-Coca que ma barbe après une soirée à Goya nous prit d'affection en nous expliquant que nous étions dans le meilleur stade du monde et qu'ici c'était lui le chef et que si quelqu'un nous embêtait on devait l'alerter au plus vite car il serait là pour nous protéger. Fort rassurés par la présence de ce garde du corps de compétition, nous laissions ensuite monter la ferveur de l'avant-match, occupé surtout à prendre des photos et à regarder une confrontation d'une mi-temps entre les équipes réserves des deux protagonistes du soir.
Puis vain l'arrivée massive des supporter locaux, la température prenait plusieurs degrés et notre espace vital se réduisait à quelques centimètres carrés. Notre garde du corps commençait à me souffler son haleine éthylisée et mon taux d'alcool dans le sang prenait 0,1 gramme à chaque chant. Enfin, le moment tant attendu arriva, les pensionnaires de l'Academia entrèrent sur la cancha dans un chahut assourdissant mêlant chants, tiffos, lancés de rouleaux de PQ, fumigènes bleus et blancs et tir de confettis à l'aide de canons placés sur le bord du terrain reléguant les supporters de l'OM à l'ambiance de la tribune présidentiel (j'aime pourtant beaucoup l'OM et ses supporters) et les Bad Gones à un kop de curling (ceux-là je les aime pas par contre). Je n'avais jamais vu ça et je ne pus retenir les frissons face à tant de ferveur.
La suite fut moins agitée en raison de la piètre performance proposée par les 22 acteurs, 0-0 à la mi-temps. Les chants autant des encouragements pour le Racing que des insultes proférés à l'égard d'Independiente (le rival historique) rythmèrent toutefois les 45 premières minutes de la partie, parmi les hits du soir « Cueste lo que cueste, esta noche tenemos que ganar, ponga, ponga huevo, huevo la Academia! »
La deuxième mi-temps vit l'ouverture du score par les visiteurs déclenchant un vent de colère incroyable de la part des supporters du Racing et les insultes à l'égard des joueurs commencèrent à descendre des gradins, notamment de la barra brava visiblement furieuse du manque d'amour affiché par les joueurs pour leur camiseta. Il est vrai que les Ciels et Blancs semblaient avoir oublié leur grinta au vestiaire. « Hijo de mierda, yo hago 2 horas de tren cada semana para verles jugar, ponga huevo putos de mierda! » criait notre garde du corps qui virait peu à peu au violet. La déception et la colère grandissaient encore un peu plus lorsque le 9 local tirait un pénalty de poussin à quelques minutes de la fin, ratant scandaleusement l'égalisation. Le coup de sifflet final retentissait, le Racing de Avellaneda était désormais relégable. Triste, notre garde du corps me proposait d'aller aux putes, je refusais poliment.
Le retour fut long. Il fallait d'abord attendre 30 minutes que les supporters adverses quittent et s'éloignent du stade pour éviter les affrontements puis trouver un bus. On terminait la soirée dans une parilla de San Telmo, en sirotant un bon rouge argentin concluant une expérience quand même riche en émotion et prouvant une fois de plus que fútbol n'est pas football.
Manu
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